Le véhicule sous-marin téléguidé « Lassie » a récemment livré des images inédites du plancher océanique dans l’une des régions les plus hostiles de la planète. Bien que la mission principale, la localisation de l’épave de l’Endurance, n’ait pas abouti lors de l’expédition « mer de Weddell 2019 », les chercheurs sont revenus d’Antarctique avec des données exceptionnelles sur la vie sous-marine.
Six années se sont écoulées depuis cette expédition, et l’épave disparue en 1915 a depuis été retrouvée, révélant un état de conservation remarquable grâce à des scans 3D. Toutefois, l’attention scientifique s’est récemment portée sur les mystérieuses structures circulaires observées par le robot, dont la nature vient d’être élucidée par une équipe internationale (R.B. Connelly et al. Frontiers in Marine Science, 2025).
Sur le site d’exploration, plus d’un millier de dépressions parfaitement rondes tapissaient le fond marin. Chacune de ces cavités se distinguait par l’absence totale de débris de plancton, contrairement aux sédiments alentour, dessinant un paysage d’une géométrie saisissante. Les auteurs évoquent un « haut degré de géométrie » dans leur communiqué du 29 octobre 2025.
Des nids de poissons révélés par l’exploration robotique en Antarctique
Les images collectées montrent une multitude de crevasses, certaines isolées, d’autres alignées en courbes ou regroupées en formations denses. Le contraste frappant entre la netteté de ces nids et la couche de débris organiques environnante intrigue immédiatement les spécialistes. Après analyse, les chercheurs ont identifié les architectes de ces structures : des poissons, plus précisément des légines antarctiques (Lindbergichthys nudifrons).
Ces poissons creusent des puits dans le sable pour y déposer leurs œufs, chaque « nid » étant ensuite surveillé par un parent qui protège la progéniture contre les prédateurs. Ce comportement, comparable à celui observé dans certains bancs de poissons, illustre une stratégie évolutive complexe, qualifiée de « troupeau égoïste » : les individus centraux bénéficient d’une protection accrue, tandis que les plus périphériques assument un rôle défensif.
Les nids situés à la périphérie semblent appartenir à des spécimens « plus grands et plus robustes », capables de défendre leur territoire de manière autonome, selon les auteurs de l’étude.
Écosystèmes marins vulnérables et enjeux de conservation dans la mer de Weddell
Pour la communauté scientifique, ces observations constituent la preuve tangible de la vulnérabilité de cet écosystème marin. La région abrite un habitat « fragile mais vital » pour la biodiversité antarctique, confirmant les conclusions d’une étude antérieure qui identifiait ici l’une des « plus grandes colonies de reproduction de poissons au monde » (Purser et al. 2022).
Les résultats obtenus renforcent l’argumentation en faveur de la création d’une aire marine protégée dans la mer de Weddell. La préservation de cette zone garantirait la survie de nombreuses espèces emblématiques, telles que les manchots et les phoques, ainsi que des « nurseries cachées » essentielles au réseau trophique antarctique.
Cette découverte nous rappelle avec force que même dans les environnements les plus extrêmes de la planète, la vie trouve des moyens de s’organiser, de s’adapter et de prospérer. – R.B. Connelly et al. (Frontiers in Marine Science, 2025)
Plateformes de glace et dynamique océanique en Antarctique
Au-delà de la recherche de l’Endurance, l’expédition de 2019 visait également à étudier le rôle des plateformes de glace flottantes, telles que « Larsen C ». En 2017, cette dernière a vu se détacher l’iceberg géant « A68 », couvrant 5 800 kilomètres carrés, offrant ainsi une opportunité unique d’explorer les profondeurs nouvellement accessibles.
Lorsque ces barrières naturelles se réduisent ou se fragmentent, la glace terrestre s’écoule plus rapidement vers l’océan, contribuant directement à l’élévation du niveau des mers. La dynamique des plateformes de glace antarctiques reste donc un enjeu central pour la compréhension des changements climatiques globaux.
