
Certains individus expriment un sentiment d’insatisfaction malgré une existence qui, selon les critères habituels, paraît comblée et significative. Ce paradoxe a poussé deux chercheurs, Erin Westgate et Shigehiro Oishi, à s’interroger sur la définition même de la réussite personnelle et du bonheur.
Traditionnellement, les spécialistes distinguent deux axes du bien-être : la recherche du plaisir, marquée par la satisfaction immédiate et les émotions positives, et la quête de sens, qui s’appuie sur l’épanouissement personnel et l’engagement dans des causes dépassant l’individu. Pourtant, les travaux récents de ces psychologues proposent une perspective nouvelle.
Selon eux, une troisième dimension du bien-être mérite d’être reconnue : la richesse psychologique. « Ce que nous proposons, c’est qu’il existe une troisième voie, tout aussi importante. Et pour certaines personnes, c’est même celle qui compte le plus », affirme Erin Westgate. Cette approche repose sur la diversité et l’intensité des expériences vécues.
La richesse psychologique se manifeste à travers des événements qui remettent en question nos certitudes et stimulent notre curiosité. Erin Westgate précise : « Une vie psychologiquement riche, ce sont des expériences qui vous défient, qui modifient vos perspectives et qui nourrissent votre curiosité. » Il ne s’agit pas uniquement de moments agréables, mais aussi de périodes de transition ou d’épreuves marquantes.
Parfois, un déménagement, une reconversion professionnelle ou même des situations difficiles telles qu’une catastrophe naturelle peuvent transformer profondément une existence. Mais de petits changements du quotidien, comme la lecture d’un livre marquant ou une conversation inattendue, peuvent également nourrir cette richesse intérieure.
Les neurosciences apportent un éclairage complémentaire à cette théorie. Des recherches indiquent que l’exposition à la nouveauté active des zones spécifiques du cerveau, notamment l’hippocampe, favorise la libération de dopamine et améliore la plasticité cérébrale. Ainsi, même un simple détour sur le chemin du travail ou la découverte d’un nouveau plat peuvent suffire à rompre la monotonie et à renouveler la vitalité mentale.
Les auteurs de cette étude ont observé que les personnes attirées par cette diversité d’expériences partagent souvent une aptitude à percevoir la complexité du monde. Elles font preuve d’une vision globale et nuancée, appréciant la multiplicité des points de vue et la richesse des situations.
Loin de vouloir supplanter les modèles traditionnels du bonheur, cette approche entend plutôt les compléter. Elle invite à reconnaître que le bien-être ne se limite pas au plaisir ou au sens, mais peut aussi trouver sa source dans la transformation constante de soi par l’expérience. Cette prise de conscience éclaire pourquoi certains, malgré une vie en apparence idéale, ressentent parfois un manque difficile à combler.



