
Il y a près de 60 000 ans, des groupes d’Homo sapiens ont commencé à quitter l’Afrique, franchissant la péninsule arabique pour se disperser à travers le continent eurasiatique. Certains de ces groupes ont migré vers l’ouest en direction de l’Europe, tandis que d’autres se sont aventurés à l’est et en Asie.
En Asie du Sud-Est, il y a environ 50 000 à 45 000 ans, ces humains se sont retrouvés sur les rives du Pacifique. Face à la multitude d’îles qui bordaient les côtes, ils ont entrepris de nouveaux voyages maritimes à l’aide d’embarcations rudimentaires, entamant ainsi une nouvelle phase de leur expansion.
Les traces archéologiques attestent que l’Homo sapiens était déjà présent sur des territoires comme l’Indonésie, l’Australie, la Nouvelle-Guinée, les Philippines ou encore le Japon il y a environ 50 000 ans. Cette colonisation maritime aurait été, selon les spécialistes, le fruit d’une volonté délibérée et d’une certaine maîtrise de la navigation.
Le mystère demeure sur la manière dont ces traversées océaniques ont été accomplies, d’autant que les preuves matérielles de ces techniques anciennes sont quasi inexistantes. Les défis rencontrés par ces pionniers, tels que les courants puissants et l’absence de repères terrestres, intriguent toujours la communauté scientifique.
Un exemple fascinant est celui de la colonisation des îles Ryukyu, au large de Taïwan, attestée autour de 30 000 ans grâce à la découverte de sites de peuplement. Pour atteindre ces îles, il fallait traverser l’un des courants marins les plus puissants au monde, le Kuroshio, ce qui suggère une grande expertise en navigation.
Pour mieux comprendre comment ces humains ont franchi ce bras de mer, des chercheurs ont reconstitué l’expérience : ils ont construit une pirogue sans voile, uniquement à partir de copies d’outils du Paléolithique supérieur, puis tenté de traverser les 110 kilomètres séparant Taïwan des îles Ryukyu.
Leur embarcation, longue de 7,5 mètres et taillée dans un tronc de cèdre, leur a permis de réussir la traversée en 45 heures de pagayage. Cette performance a mis en lumière la nécessité de connaissances approfondies en navigation, notamment pour se repérer en mer sans voir la terre.
Les résultats de cette expérience, détaillés dans la revue Science Advances, montrent également que, selon des simulations numériques, le voyage vers les îles Ryukyu était sans retour possible, le courant du Kuroshio rendant quasiment impossible le trajet inverse avec les moyens de l’époque.
Yousuke Kaifu, l’un des auteurs de l’étude, souligne : « Ces pionniers, hommes et femmes, devaient tous être des pagayeurs expérimentés, dotés de stratégies efficaces et d’une forte volonté d’explorer l’inconnu ». Il rappelle également que « nos ancêtres du Paléolithique étaient de véritables challengers ».



