Espace

Des satellites révèlent une anomalie mystérieuse au centre de la Terre vue de l’espace


Les avancées technologiques permettent aujourd’hui d’explorer les profondeurs terrestres depuis l’orbite. Grâce à une collaboration internationale, des chercheurs ont mis en évidence une transformation inédite de la matière, survenue il y a environ vingt ans, à la frontière entre le manteau et le noyau de la Terre, soit à plus de 2 000 kilomètres sous nos pieds. Cette découverte, détaillée dans la revue Geophysical Research Letters, est le fruit du travail de Charlotte Gaugne Gouranton (Université Paris Cité) et de ses collègues.

Les données exploitées proviennent des satellites GRACE (Gravity Recovery and Climate Experiment), déployés entre 2002 et 2017. Leur mission principale consistait à cartographier les variations du champ gravitationnel terrestre, révélant ainsi les fluctuations de masse à la surface et en profondeur. Cette approche a permis de détecter des phénomènes jusqu’alors inaccessibles à l’observation directe.

Le dispositif GRACE repose sur deux satellites évoluant en tandem, séparés par une distance constante. Lorsqu’ils survolent une région à gravité accrue, le premier appareil subit une légère accélération, modifiant imperceptiblement l’écart avec son jumeau. La précision de ces mesures autorise une analyse fine des redistributions de masse, qu’elles soient liées à l’eau, à la glace ou à des processus internes plus profonds.

Satellites GRACE et exploration du manteau terrestre

Si les applications initiales de GRACE concernaient surtout la surveillance des ressources hydriques et la fonte glaciaire, les chercheurs ont découvert que ces instruments pouvaient également sonder des dynamiques bien plus profondes, jusqu’à 2 900 kilomètres sous la croûte terrestre. Cette capacité ouvre de nouvelles perspectives pour l’étude des processus géophysiques majeurs.

En analysant les relevés, l’équipe a identifié un signal anormal apparu vers 2007, au large des côtes atlantiques africaines. Selon leurs conclusions, ce phénomène ne saurait s’expliquer par un déplacement d’eau. « Cela vient nécessairement de très profond », affirme Isabelle Panet, géophysicienne à l’Université Gustave Eiffel et co-auteure de l’étude. Parallèlement, d’autres satellites ont enregistré à la même époque des variations inhabituelles du champ magnétique terrestre, suggérant un lien entre ces deux observations.

Anomalie gravitationnelle et modifications magnétiques

Les chercheurs avancent l’hypothèse qu’un minéral du manteau inférieur, la pérovskite, aurait subi une transformation structurelle sous l’effet de pressions extrêmes. Ce changement aurait densifié localement les roches, provoquant un déplacement de matière vers la frontière manteau-noyau. La déformation résultante, estimée à une dizaine de centimètres, aurait suffi à perturber la circulation du liquide dans le noyau, modifiant ainsi le champ magnétique terrestre.

Cette proposition, bien que préliminaire, suscite un vif intérêt dans la communauté scientifique. L’équipe souhaite désormais exploiter les données des successeurs de GRACE pour déterminer si des événements similaires ont eu lieu ailleurs ou à d’autres périodes, et ainsi consolider leur modèle explicatif.

Perspectives pour la recherche sur la dynamique interne de la Terre

La capacité des satellites à révéler des processus internes profonds marque une avancée majeure pour la géophysique. Ces résultats ouvrent la voie à une compréhension renouvelée des interactions entre le manteau et le noyau, ainsi que de leur influence sur le champ magnétique terrestre. L’analyse des futures données satellitaires pourrait permettre d’identifier d’autres anomalies et d’affiner les modèles de dynamique planétaire.

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