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Les raisons pour lesquelles certains ponts à treillis s’effondrent alors que d’autres résistent


En août 2018, le dramatique effondrement partiel du pont Morandi à Gênes a mis en lumière la fragilité croissante des infrastructures vieillissantes. Sous l’effet conjugué de la corrosion et d’une tempête, un câble porteur a cédé, entraînant l’effondrement de deux travées et causant la mort de 43 personnes. Ce sinistre a souligné l’urgence d’une évaluation rigoureuse de la sécurité des ouvrages, alors que la fatigue des matériaux, les conditions climatiques extrêmes et l’augmentation des charges menacent leur intégrité.

La question de la prévisibilité des modes de rupture demeure centrale : une structure cèdera-t-elle brutalement ou bénéficiera-t-elle d’une résistance suffisante pour éviter la catastrophe ? Juan Reyes-Suárez, de l’université polytechnique de Valence, et son équipe se sont penchés sur cette problématique, en étudiant spécifiquement la réaction des ponts à treillis lors de la défaillance d’un élément clé.

« On connaît bien cette approche dans le bâtiment, explique Franziska Schmidt, de l’université Gustave Eiffel, mais elle n’est pas prise en compte dans la conception des ponts, car les calculs sont beaucoup plus complexes. » Pour contourner cette difficulté, les chercheurs ont choisi d’étudier le cas du pont à treillis, une structure composée de poutres en acier formant un réseau triangulaire, emblématique des réalisations de Gustave Eiffel comme le viaduc de Garabit.

Comportement des ponts à treillis face à la rupture d’un élément

Leur méthodologie s’est appuyée sur des modèles réduits de ponts à treillis standards, dont ils ont volontairement sectionné l’une des poutres. Lorsqu’une charge est appliquée, l’acier se déforme et les efforts initialement supportés par la poutre défaillante sont redistribués dans l’ensemble de la structure. À partir de ces essais, l’équipe a conçu un modèle numérique simulant la réaction du pont à la défaillance de chacun de ses sous-éléments.

Les simulations ont permis d’identifier six mécanismes secondaires de résistance, qui permettent à la structure de conserver une stabilité relative sans s’effondrer immédiatement. Ces mécanismes vont de la simple flexion localisée à la torsion globale du tablier, illustrant la diversité des réponses possibles face à une rupture partielle.

Résilience structurelle et perspectives pour l’ingénierie des ponts

« Cela veut dire que les structures sont plus résistantes que ce qu’on pensait », s’enthousiasme Franziska Schmidt. Cette découverte offre des perspectives concrètes pour l’amélioration de la conception des ponts et l’optimisation des interventions sur les ouvrages existants. La compréhension fine de ces mécanismes secondaires ouvre la voie à une ingénierie plus résiliente, capable d’anticiper et de limiter les risques d’effondrement soudain.

Il convient toutefois de noter que cette étude se limite à un type particulier de structure. En France, le recours au treillis a surtout concerné les ouvrages ferroviaires de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, tandis que le béton domine aujourd’hui la construction des ponts. Néanmoins, l’approche développée par l’équipe de Valence pourrait inspirer de nouvelles stratégies de maintenance et de rénovation, à l’heure où l’état du parc français suscite l’inquiétude.

État des infrastructures et enjeux de maintenance des ponts en France

L’Observatoire de la route a récemment souligné la dégradation préoccupante du réseau : en 2023, seuls 28 % des ponts gérés par les communes étaient jugés en bon état général. La capacité à identifier les faiblesses structurelles et à anticiper les modes de rupture devient donc un enjeu majeur pour la sécurité et la pérennité des infrastructures.

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