
Les avancées récentes dans l’étude des glaces polaires ont permis d’atteindre des jalons remarquables. En janvier, une équipe du CNRS avait mis en lumière des glaces terrestres âgées de plus de 1,2 million d’années. Toutefois, ce record portait avant tout sur la continuité du prélèvement, garantissant une archive climatique ininterrompue sur près de 2 800 mètres de profondeur.
En dehors de ce critère de continuité, les expéditions en Antarctique repoussent sans cesse les limites de l’exploration temporelle. Déjà en 2022, des chercheurs avaient identifié des glaces vieilles de cinq millions d’années. Désormais, une nouvelle étude s’intéresse à des échantillons dont l’ancienneté pourrait atteindre six millions d’années, ouvrant la voie à de nouvelles perspectives sur l’histoire climatique de la planète.
Cette découverte a été réalisée dans la région des Allan Hills, à l’est de l’Antarctique, par Sarah Shackleton de l’Institut océanographique de Woods Hole. Les carottes de glace extraites dans cette zone sont qualifiées par la chercheuse de « machines à remonter le temps qui permettent aux scientifiques d’observer à quoi ressemblait notre planète par le passé ». Ce travail, publié le 28 octobre dans PNAS, marque une étape clé pour la compréhension des climats anciens.
Carottes de glace de l’Antarctique : archives climatiques et techniques de datation
Sarah Shackleton souligne :
Les carottes de glace d’Allan Hills nous permettent de remonter beaucoup plus loin dans le temps que nous ne l’aurions imaginé.
Cette avancée s’inscrit dans le cadre du Centre pour l’exploration des glaces les plus anciennes (COLDEX), un consortium de quinze institutions américaines soutenu par la NSF. L’objectif est d’explorer la calotte antarctique pour révéler les secrets de son passé enfoui.
Les opérations de forage, menées à des profondeurs comprises entre 100 et 200 mètres, ont été réalisées dans des zones où la dynamique glaciaire et le relief montagneux favorisent la préservation et l’accessibilité de la glace ancienne. Le choix de ces sites stratégiques permet d’accéder à des couches de glace exceptionnellement anciennes, proches de la surface, un atout majeur pour les chercheurs.
La datation de ces glaces repose sur l’analyse d’un isotope rare de l’argon, contenu dans l’air piégé dans les carottes. Cette méthode directe offre une précision inégalée, car elle s’appuie sur les éléments chimiques présents dans la glace elle-même, évitant ainsi les incertitudes liées aux approches indirectes.
Préservation de la glace ancienne et dynamique climatique extrême
La persistance de glaces aussi anciennes à faible profondeur intrigue la communauté scientifique. Sarah Shackleton précise : « Nous cherchons encore à déterminer les conditions exactes qui permettent (cela) ». Elle avance l’hypothèse d’une combinaison entre topographie, vents violents et températures extrêmes. Le vent éliminerait la neige récente, tandis que le froid intense ralentirait la dynamique glaciaire jusqu’à l’immobilisation.
L’étude isotopique de l’oxygène contenu dans la glace révèle un refroidissement progressif et durable d’environ 12 °C depuis cette époque reculée. Ce constat met en lumière l’ampleur des changements climatiques naturels ayant affecté la région sur plusieurs millions d’années.
Analyse des gaz à effet de serre et implications pour la paléoclimatologie
Les recherches en cours sur ces carottes visent désormais à reconstituer les concentrations passées de gaz à effet de serre et la température des océans. L’objectif est de comprendre les mécanismes à l’origine de ces variations climatiques majeures. Ces archives glaciaires constituent une ressource inestimable pour décrypter l’évolution du climat terrestre et anticiper ses futures trajectoires.



