
Les avancées récentes dans le domaine des technologies sous-marines bouleversent les paradigmes de la guerre navale. L’intégration de drones autonomes, propulsés par l’intelligence artificielle et des systèmes robotisés, s’impose désormais comme une réalité opérationnelle. La réduction de la taille des submersibles, rendue possible par l’absence d’équipage, permet d’optimiser l’espace interne pour accueillir des capteurs sophistiqués et des modules de mission sur mesure.
Cette évolution technologique se manifeste notamment à travers des projets tels que le démonstrateur XV Excalibur, développé par MSubs pour la Royal Navy. Ce submersible autonome, long de 12 mètres pour 19 tonnes, fait l’objet d’une campagne d’essais de deux ans. L’été dernier, il a été commandé à distance depuis l’Australie, à 16 000 kilomètres, démontrant la portée et la flexibilité de ces nouveaux vecteurs. Leur autonomie sous-marine pourrait être prolongée indéfiniment avec une propulsion nucléaire, réservant les sous-marins classiques à des missions stratégiques.
La multiplication de ces drones submersibles permet de recentrer l’emploi des grands sous-marins sur des opérations à haute valeur ajoutée. Les plateformes autonomes, quant à elles, prennent en charge les tâches de routine, optimisant ainsi la gestion des ressources navales. Cette stratégie s’inscrit dans une logique d’efficacité et de sophistication croissantes sur les théâtres d’opérations maritimes.
Navigation sous-marine et limites du GPS dans la guerre navale
La navigation sous-marine demeure toutefois un défi majeur. Privés de signal GPS, les submersibles s’appuient sur des systèmes de navigation inertielle, reposant sur des gyroscopes pour mesurer les variations de cap et de vitesse. Mais la précision de ces systèmes dépend de la capacité à mesurer le temps avec une exactitude extrême. Depuis des décennies, les sous-marins nucléaires sont équipés d’horloges atomiques, dont le rythme est basé sur les oscillations du césium 133, assurant une dérive d’une seconde seulement tous les 300 millions d’années.
Cependant, pour des missions de longue durée, même cette précision remarquable ne suffit pas à éliminer l’accumulation de dérive inhérente aux systèmes inertiels. La moindre imprécision temporelle peut entraîner des erreurs de positionnement critiques sur plusieurs mois d’opération. D’où la nécessité d’une avancée technologique majeure dans la mesure du temps à bord des submersibles autonomes.
Horloges quantiques et révolution du positionnement sous-marin
Les ingénieurs britanniques misent désormais sur l’horloge quantique, une innovation qui repousse les limites de la précision. La technologie dite de « système de positionnement et de synchronisation quantiques » (PNT) repose sur une horloge atomique optique, telle que la Tiqker d’Infleqtion. Contrairement aux modèles traditionnels à quartz, cette horloge utilise un atome unique de rubidium-87 vibrant à une fréquence 10 000 fois supérieure à celle des micro-ondes classiques.
Le résultat est saisissant : l’horloge quantique affiche une dérive d’une seconde tous les 30 milliards d’années, soit une précision inégalée pour la navigation sous-marine. Cela se traduit par une erreur de positionnement inférieure à 1 x 10⁻⁶ degrés par heure. Compacte, elle pèse seulement 30 kilos et occupe un volume de 30 litres, facilitant son intégration à bord.
Les essais en mer réalisés à ce jour confirment la compatibilité de cette technologie avec les systèmes embarqués et la fiabilité de ses calculs de navigation. Les données collectées durant la phase de test seront partagées avec les partenaires stratégiques du traité Aukus, à savoir les États-Unis et l’Australie.
Technologies quantiques et coopération internationale dans la défense navale
La France, bien que marquée par l’annulation d’un contrat de sous-marins nucléaires avec l’Australie, investit également dans ces innovations. En janvier, l’ancien ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a souligné l’importance des technologies quantiques : « les centrales inertielles quantiques [seraient] dans nos sous-marins et nos Rafales », ainsi que dans les satellites. Cette déclaration témoigne de l’enjeu stratégique que représentent les horloges quantiques pour la supériorité navale et aérienne.



