Archéologie

Des fouilles archéologiques dans le marais de Brière révèlent l’évolution du climat


À une profondeur d’environ un mètre, enfoui dans la tourbe dense du marais de Brière en Loire-Atlantique, repose un tronc ancestral, vestige silencieux d’une forêt disparue. Ce bois, vieux de plusieurs millénaires, constitue un précieux témoin paléoclimatique, révélant les évolutions du climat et de l’environnement de la région.

Dans une tranchée fraîchement creusée, deux couteliers s’affairent à extraire un tronc de chêne en cours de fossilisation, dénommé morta. Ce matériau, prisé par l’artisanat local pour sa robustesse, attire également l’attention des chercheurs, qui l’étudient comme archive archéologique et climatique.

Au Néolithique, une vaste forêt bordait la Brière. Les chênes, progressivement engloutis par la montée des eaux, ont été préservés par la terre humide. Aujourd’hui, ces troncs enfouis offrent un accès inédit à l’histoire environnementale du territoire.

Extraction du morta et enjeux archéologiques dans le marais de Brière

L’atelier JHP, situé à la lisière de ces 30 000 hectares de marais, extrait chaque année quelques troncs d’un noir profond. Ces pièces rares servent à la confection de manches de couteaux, conformément à un accord avec la commission syndicale gestionnaire du site. « C’est un bois solide, résistant, qui a été utilisé dans le temps pour fabriquer des charpentes », précise Aymeric Lavauzelle, coutelier, les bras encore couverts de terre.

Dans le cadre d’un projet de géoarchéologie mené par le conseil départemental, chaque tronc extrait fait désormais l’objet d’analyses et de datations. Les chercheurs espèrent ainsi affiner la compréhension des dynamiques climatiques passées.

« Les arbres, notamment les chênes, à travers leurs cernes, enregistrent les variations de l’environnement. C’est un petit peu comme si vous aviez un enregistrement de la météo de l’époque », explique le géoarchéologue Yann Le Jeune. « Cela nous permet de reconstituer l’histoire du climat et de l’environnement, et même d’alimenter des modèles qui servent à comprendre comment pourrait évoluer le climat. »

Recherche scientifique et valorisation du patrimoine naturel

Pour localiser ces troncs, les artisans de l’atelier JHP sillonnent le marais chaque automne, période où le niveau d’eau reste accessible. Munis de sondes en inox, ils détectent la présence de bois enfoui avant de creuser collectivement. Ce matin d’octobre, Aymeric Lavauzelle et ses collègues s’attellent à l’extraction d’un tronc de près de quatre mètres. Après l’avoir dégagé, ils le transportent à l’atelier pour le préparer à la transformation.

Face à la rareté du morta, les artisans locaux se sont regroupés en association afin d’obtenir une indication géographique auprès de l’INPI. Leur objectif : réserver l’appellation morta au chêne enfoui du marais de Brière, et ainsi protéger ce patrimoine unique.

Protection du morta et gestion durable de la ressource

« Il y a quelques années, on a vu arriver sur le marché des chênes de marais polonais, ou lituaniens, vendus sous le nom de morta. Le morta est un chêne des marais mais tous les chênes de marais ne sont pas du morta », insiste Jean-Henri Pagnon, fondateur de l’atelier JHP.

Le président du parc naturel régional de Brière, Eric Provost, a récemment sollicité la DRAC des Pays de la Loire pour évoquer la préservation de cette ressource limitée. Il s’agit d’examiner « s’il y a un sujet ou pas de protection de la ressource, si l’on peut continuer de l’administrer localement, puis voir comment on fait en sorte qu’elle soit durable, dans la quantité disponible, comment on fait en sorte qu’il y ait une visibilité sur une exploitation équilibrée ».

Une fois la saison d’extraction achevée, les couteliers regagnent leur atelier. Le morta, quant à lui, devra sécher trois ans avant de pouvoir être travaillé, perpétuant ainsi la tradition et la mémoire d’un paysage disparu.

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