
La Nouvelle-Zélande, terre d’origine de récits mythologiques puissants, demeure le berceau d’un art corporel ancestral : le tatouage maori. Héritier d’une tradition séculaire, le Ta Moko, et son dérivé contemporain, le Kirituhi, incarnent bien plus qu’une simple ornementation. Ces tatouages racontent l’histoire individuelle et collective de ceux qui les portent, tissant un lien profond entre identité, croyances et mémoire.
Le Kirituhi, à la différence du Ta Moko strictement réservé aux Maoris, s’est imposé à partir des années 1980 comme une forme d’expression ouverte à tous. Ses motifs circulaires et ses lignes raffinées puisent leur inspiration dans le patrimoine polynésien, tout en s’affranchissant de la dimension sacrée et politique du Ta Moko. Selon Zane Swanston, expert reconnu du tatouage maori, « Le Kirituhi parle de moi, de ce que je suis et de ce en quoi je crois. » Cette approche personnalisée exige une compréhension fine des symboles avant toute démarche artistique.
La popularité croissante du tatouage maori moderne ne se limite plus à la communauté autochtone. Néo-zélandais d’origine européenne, voyageurs et passionnés du monde entier adoptent désormais le Kirituhi, séduits par la richesse de ses motifs et la force de son message. Le Ta Moko, longtemps mis à l’écart, connaît aujourd’hui un renouveau grâce à l’évolution des techniques et à la redécouverte de son sens profond.
Symbolique du tatouage maori et processus créatif
Chaque œuvre Kirituhi est conçue sur mesure. Avant d’entamer le dessin, l’artiste interroge la personne sur ses intentions, son histoire et ses liens familiaux. Cette démarche s’appuie sur le pepeha, une présentation orale traditionnelle qui identifie la rivière, la montagne, la tribu ou la lignée de l’individu. « Je travaille ensuite sur le dessin en commençant par la ligne Manawa, puis par les principaux symboles que je souhaite y intégrer », précise Zane Swanston.
La ligne Manawa, fluide et sinueuse, évoque le parcours de vie, à l’image d’une rivière traversant un espace vierge. Autour de cette ligne centrale, le tatoueur intègre le concept de whakapapa, fondamental dans la culture maorie. Le whakapapa, ou généalogie, structure l’appartenance et l’identité. Selon l’encyclopédie Te Ara, il désigne « notre domicile, le lieu où nous possédons des droits de résidence ou d’appartenance par parenté ».
Motifs emblématiques et signification profonde
Certains motifs récurrents enrichissent la composition du tatouage maori. Le poutama, ou « escalier vers le ciel », symbolise la généalogie à travers des marches stylisées, souvent disposées en miroir. Le pakati, composé de losanges ou de pointes imbriquées, représente la force et la bravoure, tout en pouvant évoquer le whakapapa. L’unaunahi, motif d’écailles de poisson, traduit l’abondance, la santé et la prospérité, tandis que l’ahu ahu mataroa, rangée de traits verticaux, fait référence au succès et à la persévérance dans le sport et la vie.
Au-delà de ces motifs, le Kirituhi intègre des images emblématiques de la culture maorie. Le koru, spirale inspirée de la fougère, incarne le renouveau et l’harmonie, souvent utilisé pour représenter les membres de la famille. L’hei matau, ou hameçon, est un symbole de prospérité, de détermination et de sécurité, notamment lors des voyages en mer. Chacun de ces éléments contribue à la richesse narrative du tatouage maori.
Lecture et interprétation des motifs du tatouage maori
La compréhension des tatouages maoris requiert une attention particulière à la symbolique et à l’histoire personnelle du porteur. Le Kirituhi et le Ta Moko ne relèvent pas d’une science exacte : leur interprétation varie selon le vécu et la sensibilité de chacun. À l’instar d’une œuvre picturale, ces tatouages invitent à une lecture plurielle, où chaque regard peut y projeter sa propre histoire et ses aspirations.



