
Au détour d’un sentier forestier en automne, il arrive qu’un arôme sucré et envoûtant surprenne le promeneur. Loin de toute boulangerie, cette fragrance évoquant la pâtisserie ne provient ni d’un four ni d’une confiserie, mais d’un arbre ancestral : le katsura. Ce phénomène olfactif, aussi singulier qu’intrigant, suscite l’intérêt des botanistes et des chimistes depuis des décennies.
Le katsura, ou Cercidiphyllum, se compose de deux espèces principales originaires d’Asie de l’Est, principalement du Japon et de Chine. Cet arbre, considéré comme un véritable fossile vivant, a émergé peu après l’extinction des dinosaures non aviens, il y a environ 66 millions d’années. Sa longévité et son histoire évolutive en font un objet d’étude privilégié pour la communauté scientifique.
Son introduction en Occident remonte à 1865, lorsque Thomas Hoggs Jr. fit parvenir des graines du Japon à New York. Depuis, le katsura s’est acclimaté dans de nombreuses régions tempérées, y compris en Europe. En Allemagne, il est surnommé « kuchenbaum », c’est-à-dire « arbre à gâteaux », tant son parfum automnal rappelle celui des douceurs traditionnelles.
Le maltol, molécule clé des arômes sucrés naturels
Le secret de cette odeur caractéristique réside dans la présence de maltol, une molécule aromatique recherchée dans l’industrie agroalimentaire. Le maltol, naturellement présent dans les feuilles du katsura, dégage un parfum de caramel aux notes fruitées, utilisé pour rehausser le goût de nombreux produits sucrés.
La concentration de maltol augmente sensiblement à l’automne, période durant laquelle les feuilles du katsura changent de couleur. Ce processus de sénescence s’accompagne d’une dégradation des sucres, générant une production accrue de maltol et d’autres composés volatils. L’arbre devient alors une véritable source naturelle de senteurs pâtissières, perceptible à plusieurs mètres à la ronde.
Ce phénomène atteint son apogée juste avant la chute des feuilles, offrant un spectacle sensoriel unique. La diffusion de ces arômes coïncide précisément avec la préparation de l’arbre à l’hiver, transformant chaque spécimen en diffuseur olfactif éphémère.
Un parfum automnal au cœur d’une énigme évolutive
Malgré l’identification du maltol comme principal responsable de cette odeur, la fonction évolutive de ce parfum demeure incertaine. Habituellement, les odeurs sucrées servent à attirer les pollinisateurs, mais l’automne n’est guère propice à cette activité, la majorité des insectes étant déjà inactifs.
Les hypothèses avancées par la communauté scientifique restent variées et sans consensus. Certains chercheurs évoquent un simple sous-produit métabolique, tandis que d’autres suggèrent une interaction encore inconnue avec la faune du sol, ou la persistance d’un mécanisme ancien aujourd’hui sans utilité apparente.
Cette incertitude scientifique n’ôte rien à l’émerveillement suscité par le katsura. Elle rappelle que la nature, même dans ses manifestations les plus accessibles, conserve des mystères qui défient encore l’analyse rationnelle.



