
Depuis plusieurs décennies, le débat sur l’origine des premiers peuplements humains du continent américain divise la communauté scientifique. La théorie dominante, centrée sur la culture Clovis apparue il y a environ 13 000 ans, a longtemps prévalu. Toutefois, la découverte récente de nouveaux sites archéologiques remet en question ce paradigme, révélant une histoire beaucoup plus ancienne et complexe.
Une analyse approfondie publiée dans Science Advances met en lumière au moins dix sites majeurs répartis aux États-Unis, notamment en Virginie, au Texas, en Pennsylvanie et dans l’Idaho. Ces sites témoignent d’une présence humaine remontant à une période comprise entre 13 000 et 20 000 ans avant notre ère. Cinq de ces lieux ont livré une abondance d’outils lithiques, attestant d’une industrie technologique sophistiquée, désormais qualifiée de Paléolithique supérieur américain. Cette industrie précède nettement l’apparition des Clovis, bouleversant ainsi les certitudes établies.
Jusqu’à présent, seules quelques empreintes fossilisées découvertes au Nouveau-Mexique laissaient supposer une occupation humaine plus ancienne, sans toutefois permettre d’identifier une culture précise. Les récentes fouilles, notamment dans l’Idaho, ont permis d’exhumer des outils en pierre remarquablement bien conservés. Ces artefacts ouvrent de nouvelles perspectives sur la chronologie et la nature des premiers peuplements du continent.
Origine japonaise des outils lithiques et migration humaine en Amérique
Pour élucider l’origine de cette tradition lithique inédite, les chercheurs ont croisé les données archéologiques avec les analyses génétiques. Les résultats indiquent que les premiers habitants des Amériques descendaient d’un groupe d’Asie du Nord-Est, ayant vécu il y a environ 25 000 ans. L’étude comparative des armes de chasse de cette région a révélé une similitude frappante : les bifaces retrouvés à Hokkaido, au Japon, présentent les mêmes caractéristiques que ceux découverts sur les sites américains.
« La découverte de ce lien archéologique réécrit le premier chapitre de l’histoire humaine en Amérique, explique Loren Davis, auteur principal de l’étude. Elle montre que les premiers Américains n’étaient pas isolés, mais faisaient partie d’un vaste réseau culturel reliant l’Eurasie et l’Asie. » Cette connexion inattendue suggère une circulation d’idées et de savoir-faire technologiques à une échelle transcontinentale, bien avant l’ère moderne.
Les outils mis au jour dans l’Idaho, identiques à ceux d’Hokkaido, constituent une preuve matérielle de cette filiation. Ils permettent de retracer les trajectoires migratoires et d’affiner la compréhension des échanges culturels entre l’Asie et l’Amérique du Nord.
Navigation côtière et routes maritimes préhistoriques
Ce nouveau scénario remet en cause l’hypothèse classique d’une migration exclusivement terrestre via le pont de Béring. Les chercheurs avancent que les premiers colons auraient plutôt suivi une route maritime, longeant la côte sud de la Béringie depuis Hokkaido. Ils auraient effectué plusieurs escales avant d’atteindre le continent nord-américain.
« Nous suggérons que les premiers marins, déjà familiers de la navigation en haute mer, ont emprunté une route côtière circum-pacifique », précisent les auteurs de l’étude. Cette hypothèse souligne l’importance des compétences maritimes et de l’adaptation aux environnements côtiers dans la réussite de cette migration préhistorique.
Pour Loren Davis, ces découvertes offrent une vision renouvelée des premiers peuplements : « Nous savons désormais d’où venaient les premiers Américains, comment ils voyageaient, ce qu’ils transportaient et quelles idées ils apportaient avec eux. » Ces résultats rappellent que la migration, l’innovation et le partage culturel sont au cœur de l’expérience humaine.



