
Les récentes éditions des Conférences des Parties (COP) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ont été marquées par un paradoxe saisissant. En 2023, Dubaï, puis en 2024, Bakou, deux grandes puissances pétrolières, ont accueilli ces sommets mondiaux. Alors que l’exploitation des énergies fossiles demeure la principale source du réchauffement planétaire, ces choix d’hôtes ont suscité de vives réactions. Fait notable, c’est à Dubaï qu’a été acté un engagement inédit en faveur d’une « transition vers la sortie des énergies fossiles », amorçant un tournant dans les débats énergétiques et financiers.
La COP30, prévue pour novembre 2025 à Belém, au Brésil, s’annonce sous un tout autre prisme. Le Brésil n’est pas identifié comme un géant des hydrocarbures, mais plutôt comme un acteur clé grâce à son modèle énergétique exemplaire. Près de 89 % de l’électricité nationale provient des énergies renouvelables. Toutefois, le pays figure au sixième rang mondial des émetteurs de gaz à effet de serre, représentant 2,5 % des émissions globales. Cette contradiction s’explique principalement par la conversion massive des terres amazoniennes et du Cerrado, au profit de l’agriculture et de l’élevage, secteurs responsables d’une part significative des émissions nationales.
Les forêts brésiliennes, soumises à une pression intense liée aux incendies et à la déforestation, voient leur rôle de puits de carbone s’amenuiser. La disparition de ces « émissions négatives » naturelles compromet l’objectif de neutralité carbone fixé par l’Accord de Paris. Face à cette urgence, le président Lula a réactivé l’Organisation du traité de coopération amazonienne et renforcé les alliances avec les pays forestiers des bassins du Congo et du Mékong.
Financement international et bioéconomie : de nouveaux leviers pour la COP30
À la COP30, le Brésil entend proposer un mécanisme innovant de financement destiné à la préservation des forêts tropicales, susceptible de bénéficier à 74 pays. Parallèlement, un plan national pour la bioéconomie sera présenté, misant sur la biodiversité amazonienne comme moteur d’un développement conciliant conservation, innovation, justice sociale et valorisation des savoirs traditionnels.
Cette approche marque une rupture avec la logique traditionnelle des COP, centrée sur la stricte comptabilité des émissions. Si la transition énergétique demeure un axe majeur, cinq autres thématiques émergent : la gestion des forêts, des océans et de la biodiversité ; la transformation des systèmes agricoles et alimentaires ; l’aménagement urbain, les infrastructures et la gestion de l’eau ; le développement humain et social ; et, de manière transversale, le financement, la technologie et le renforcement des capacités.
Changement de paradigme et leadership brésilien dans la gouvernance climatique
Dans ses communications à la communauté internationale, André Corrêa do Lago, président de la COP30, adopte un ton résolument distinct de ses prédécesseurs. Citant Hannah Arendt, il dénonce « la banalité de l’inaction » et insiste sur le fait que l’action climatique constitue avant tout un défi humain, nécessitant responsabilité, réciprocité et solidarité. Il invite également les peuples autochtones à « contribuer à faire évoluer des modèles mentaux binaires et linéaires, efficaces au XXe siècle, mais qui peuvent devenir un handicap au XXIe siècle, celui de la complexité ».
Cette vision ambitieuse laisse entrevoir une COP susceptible d’initier une transformation profonde des politiques climatiques mondiales. Toutefois, il convient de rappeler que le Brésil, à l’instar des Émirats arabes unis et de l’Azerbaïdjan, prévoit d’accroître sa production pétrolière d’au moins un tiers d’ici 2035, tandis que 1 300 milliards de dollars devront être mobilisés pour répondre aux impératifs de justice climatique.



