
À la veille d’Halloween, la faune nord-américaine révèle une singularité inattendue : six espèces de chauves-souris présentent une fluorescence intégrale sous lumière ultraviolette. Cette propriété, observée pour la première fois chez ces mammifères volants du continent, intrigue la communauté scientifique et soulève de nombreuses interrogations sur son origine et sa fonction.
Les analyses ont été menées à partir de spécimens conservés au Georgia Museum of Natural History, collectés entre 1920 et 2001. Les espèces concernées incluent Eptesicus fuscus, Myotis austroriparius, Myotis grisescens, Lasiurus borealis, Lasiurus seminolus et Tadarida brasiliensis. Exposés à une source UV, les soixante individus testés ont tous émis une lueur verte, principalement localisée sur les ailes, les membres postérieurs et l’uropatagium.
Cette fluorescence, d’intensité variable selon les espèces, ne semble pas dépendre du sexe ni de l’âge des animaux. Les chercheurs n’ont relevé aucune différence significative à ce niveau, ce qui écarte d’emblée certaines hypothèses évolutives classiques.
Phénomène de fluorescence chez les chauves-souris nord-américaines
Steven Castleberry, co-auteur de l’étude parue dans Ecology and Evolution, souligne l’ampleur de l’énigme : « Il peut sembler que cela n’ait pas beaucoup de conséquences, mais nous essayons de comprendre pourquoi ces animaux brillent. C’est fascinant, mais nous ne savons pas pourquoi cela se produit. Quelle est la fonction évolutive ou adaptative ? Cela sert-il réellement aux chauves-souris ? » Cette déclaration met en lumière l’absence d’explication fonctionnelle immédiate.
Les chercheurs ont d’abord envisagé un lien avec la sélection sexuelle, mais l’absence de dimorphisme dans la fluorescence a rapidement invalidé cette piste. De même, la diversité des comportements sociaux et des habitats – grottes, arbres creux ou feuillage – exclut une adaptation spécifique à un mode de vie ou à un environnement particulier.
Une hypothèse alternative évoquait la possibilité d’un camouflage dans la canopée pour les espèces du genre Lasiurus. Toutefois, l’équipe a conclu que « la couleur de la photoluminescence n’est probablement pas spécifiquement adaptée à l’environnement de repos de ces espèces », rendant cette explication peu probable.
Origines génétiques et perspectives évolutives de la fluorescence
Pour Steven Castleberry, l’origine du phénomène serait davantage à rechercher dans l’hérédité : « Les données suggèrent que toutes ces espèces de chauves-souris l’ont héritée d’un ancêtre commun. Elles ne l’ont pas développée indépendamment. Peut-être que la capacité à briller servait à quelque chose dans le passé évolutif, et ne sert plus aujourd’hui. » Cette perspective ouvre la voie à une réflexion sur l’évolution des caractères lumineux chez les mammifères nocturnes.
La question d’une éventuelle fonction de communication, à l’image de certaines chauves-souris mexicaines dont les extrémités des membres sont fluorescentes, reste en suspens. Castleberry précise : « Nos résultats suggèrent une origine physiologique partagée, mais nous ne pouvons confirmer aucune fonction comportementale commune ». L’absence de corrélation comportementale identifiable invite à la prudence.
Ce phénomène de fluorescence inscrit ces chauves-souris dans une liste croissante d’animaux capables de briller sous UV, aux côtés des hiboux, écureuils volants, mammifères australiens, requins-baleines, amphibiens et poissons. L’énigme demeure entière, mais elle ouvre de nouveaux horizons pour la recherche sur la biologie évolutive et la physiologie des espèces nocturnes.



