
En 2025, le nombre de personnes atteintes de diabète de type 1 devrait avoisiner les 10 millions à l’échelle mondiale. Cette pathologie auto-immune résulte de la destruction des cellules bêta du pancréas par le système immunitaire. Ces cellules, essentielles, sont responsables de la sécrétion d’insuline, hormone clé dans la régulation de la glycémie. La prise en charge actuelle repose principalement sur des injections répétées d’insuline, indispensables pour maintenir l’équilibre métabolique des patients.
Une alternative temporaire à ces injections consiste en la transplantation de cellules bêta issues de dons d’organes. Cette technique permet de restaurer la production d’insuline sur plusieurs années. Toutefois, elle se heurte à deux obstacles majeurs : la rareté des organes disponibles et la nécessité d’un traitement immunosuppresseur à vie, exposant les patients à des risques accrus d’infections et d’effets secondaires notables.
Face à ces limites, la recherche s’oriente vers la production de cellules bêta à partir de cellules souches reprogrammées. En juin 2025, l’équipe de Michael Rickels à l’université de Pennsylvanie a franchi une étape importante. Soutenus par Vertex, société pharmaceutique basée à Boston, les chercheurs ont implanté avec succès des cellules bêta dérivées de cellules souches chez une douzaine de patients. Après un an, dix participants n’avaient plus besoin d’injections régulières d’insuline. Néanmoins, cette approche requiert toujours un traitement immunosuppresseur.
Génie génétique et immunité : nouvelles stratégies pour le diabète de type 1
La question centrale demeure : peut-on se passer de l’immunosuppression, que l’on utilise des greffes ou des cellules souches reprogrammées ? Per-Ola Carlsson (université d’Uppsala), Sonja Schrepfer (Sana Biotechnology, San Francisco) et leurs collaborateurs ont exploré cette piste. Leur stratégie : modifier génétiquement les cellules bêta de donneurs via l’outil CRISPR afin de les rendre invisibles au système immunitaire, du moins vis-à-vis des mécanismes impliqués dans la réaction auto-immune.
Concrètement, les chercheurs ont désactivé deux gènes impliqués dans la reconnaissance des cellules étrangères par les lymphocytes T. Ensuite, ils ont introduit un gène codant la protéine CD47 dans ces cellules modifiées. La présence de CD47 à la surface cellulaire inhibe l’action des lymphocytes NK, empêchant ainsi la destruction des cellules greffées. Injectées chez un patient diabétique de type 1, ces cellules ont produit de l’insuline sans être attaquées par le système immunitaire, du moins pendant les six mois de suivi.
Pedro Herrera, spécialiste en médecine génétique à l’université de Genève, souligne : « C’est très prometteur ». Il nuance cependant : « Mais l’étude ne concerne qu’une seule personne, traitée avec une faible dose de cellules pendant une courte période. » D’autres équipes n’ont d’ailleurs pas réussi à reproduire l’effet protecteur de la protéine CD47 dans des expériences similaires.
Cellules souches et édition génétique : vers une nouvelle ère thérapeutique
En théorie, la combinaison de ces innovations pourrait ouvrir la voie à un traitement unique du diabète de type 1, affranchi des contraintes actuelles. L’idée serait d’intégrer le gène protecteur dans des cellules souches, puis de les différencier en cellules bêta capables de résister à l’attaque immunitaire.
Des défis subsistent néanmoins. « Il faudra réaliser des essais de plus grande ampleur pour vraiment démontrer une indépendance insulinique et l’efficacité clinique de cette approche », estime Pedro Herrera. Dans son laboratoire, il explore une autre voie : exploiter la capacité de régénération du pancréas. En 2019, son équipe a montré que d’autres types cellulaires pancréatiques, moins exposés à l’attaque immunitaire, peuvent être reprogrammés pour produire de l’insuline, à condition d’activer certains gènes dormants. Les recherches actuelles portent sur les mécanismes épigénétiques qui sous-tendent cette modulation.



